Tandis que la Justice française est inquisitoire, pour le pénal, la Justice américaine est accusatoire.
Inquisitoire cela veut dire qu'après la mise en examen, une enquête est menée sous la responsabilité du juge, fonctionnaire d'Etat, nommé à son poste. Ce juge dit d'instruction, enquête c'est à dire instruit à charge et à décharge (enquête contradictoire). L'enquête est secrète et elle est écrite : sont ainsi constitués des dossiers, soumis aux avocats, aux juges lors du procès et aux éventuels jurés d'assise .
Accusatoire, cela veut dire que le procureur rassemble les éléments fournis par la police (preuves, témoignages, expertises) en vue de démontrer la culpabilité de l'accusé. La défense, pour défendre l'accusé, procède elle-même à son enquête afin de démontrer que l'accusation ne tient pas. Cependant, pour commencer, lors de la phase de mise en accusation, seule l'accusation a la parole. La défense ne s'exprime que lors du procès, qui intervient environ un an après que l'accusation ait été formulée.
La justice française est contradictoire, secrète et écrite, lors de la phase d'instruction. Elle repose sur la présomption d'innocence, soit, aussi longtemps que la Justice ne s'est pas prononcée, l'interdiction de présenter le prévenu comme coupable.
La justice américaine est accusatoire, publique et orale (déroulement oral lors du procès).
Justice accusatoire : l'enquête est exclusivement à charge.
Publique : le prévenu, est publiquement présenté comme étant a priori condamnable sinon condamné.
A l'instruction, secrète en France, et protégeant la présomption d'innocence, correspond aux Etats-Unis, une phase d'accusation publique soutenue par le procureur.
Celui-ci est élu et sa réélection dépend des condamnations qu'il aura obtenues.
Dans le cadre de cette Justice accusatoire, cela signifie que jusqu'à ce que l'accusé (prévenu en France) se prononce sur le type de plaidoirie qu'il adoptera (coupable ou non), il ne peut, ni lui ni ses avocats, avoir droit à la parole ni accès au dossier de police. Il est accusé sans pouvoir ni s’expliquer, ni prendre connaissance des éléments sur lesquels le procureur se fonde pour mener son accusation.
Enfin c'est seulement à l'audience publique, en cas de procès, que se complète l'instruction lorsque, dans des débats oraux, chaque partie apporte ses preuves et contre-preuves, qui peuvent être recueillies par tous les moyens y compris enquêtes de détectives privés, selon les moyens financiers dont dispose le prévenu.
Aux Etats-Unis, c'est la défense qui doit assurer elle-même son enquête à décharge, à ses frais. Les inégalités de fortune jouent un rôle essentiel.
En France c'est l'État qui paie le juge d'instruction et les moyens requis par l'enquête.
Le juge, fonctionnaire d'Etat, instruit de manière contradictoire. C'est à l'accusation qu'incombe la charge de la preuve et jusqu'au jugement l'inculpé est présumé innocent.
En France le juge est un fonctionnaire d'Etat
Aux Etats-Unis c'est un élu qui joue sa réputation et sa carrière sur les procès qu'il "gagne" comme on dit, c'est à dire s'il réussit à faire condamner l'accusé. Dans l'affaire DSK c'est l'Etat de New-York qui supporte l'accusation.
Dans cette affaire, le procureur à qui l'on prédit déjà la Mairie de New-York s'il réussit à obtenir la condamnation de l'ex-président du FMI, est assisté de deux autres procureurs, déterminés. Deux femmes en l'occurrence ayant la réputation d'être impitoyables (l'une d'elle a fait condamner un assassin à 422 ans de prison) "habituées des victoires judiciaires", comme on dit en langue américaine.
Le prévenu, pour parler français, ou l'accusé, dans le cas présent a les moyens d'assurer sa défense, il y mettra tous ceux possibles et nécessaires, à l'américaine : pour réfuter l'accusation il doit procéder à des enquêtes afin d'accuser son accusatrice de quelques fautes susceptibles de faire douter de sa parole.
Celle-ci est modeste et immigrée de fraîche date, dépourvue de relations, mais compte tenu de l'adversaire, elle aura elle aussi des moyens considérables pour plaider sa cause et sa bonne foi, d'excellents avocats, habiles bretteurs et batailleurs féroces, plus ou moins célèbres ou en quête de célébrité. Le dernier avocat annoncé est connu pour obtenir des dédommagements faramineux en faveur des victimes et son cabinet est spécialisé en affaires qui permettent de réclamer des millions de dollars à de riches mis en accusation.
Enfin, en cas de procès, le juge ne joue qu'un rôle d'arbitre : non seulement les enquêtes des deux parties ne s'exposent qu'au procès, oralement, mais ce sont des jurés populaires, non juristes, qui rendent le jugement, par conséquent essentiellement sur des critères moraux et sans disposer de dossiers d'instruction, à la différence de ce qu'il se passe en France où les critères juridiques sont prédominants. Les jurés représentant l'opinion publique, elle-même morale et qui ne juge pas selon les lois, un procès mettant en cause une personnalité publique de haut rang ne peut que donner lieu à des affrontements fortement mediatisés entre procureurs et avocats qui doivent préparer l'opinion publique à pencher dans un sens ou dans un autre.
L'argent, le pouvoir et la célébrité de vedettes du système judiciaire, les campagnes mediatiques, jouent donc un rôle de premier plan, dans un combat de titans qui ne prétend pas établir de vérité mais convaincre des jurés (qui doivent se prononcer à l'unanimité pour la culpabilité puisse être établie). C'est pourquoi, pour commencer, les fuites sur l'affaire organisées auprès des media (tabloïds) ont donné lieu à des plaintes des avocats de DSK, les dites fuites consistant à discréditer leur client et former l'opinion publique en sa défaveur.*
Une fois encore, le principe de la présomption d'innocence est absent aux Etats-Unis, et la Justice ne prétend pas dire la vérité, mais énoncer l'intime conviction des jurés quant à l'accusation à qui sont exposées les plaidoiries, ou trouver un arrangement (financier) entre les parties, pour éviter un procès.
Le relativisme à l'égard de la vérité, et l'appel à l'opinion publique, peuvent paraître faire dériver le Justice vers la simple vengeance. C'est pourquoi les Américains, très majoritairement, à plus de 90%, s'ils sont accusés, préfèrent éviter le procès en plaidant coupable afin de mettre en place une tractation financière pour dédommager la victime. Conclusion : le règne de l'argent s'affiche, prédominant, pour éviter la morale-couperet des jurys populaires, redoutable comme toute morale. Bien sûr les riches y sont favorisés, et le mot est faible pour le dire.
C'est cette Justice là que Sarkozy veut importer en France.
Conservons la présomption d'innocence, les juges juristes professionnels que ne peuvent remplacer des jurés, des juges nommés et non élus, qui jugent selon les lois, et battons-nous pour l'indépendance de la Justice, largement bafouée en France dans toutes les grandes affaires financières, où le Parquet, représentant de l'Etat donne ses instruction et fait pression sur les juges pour innocenter les grands prédateurs financiers et exempter les hommes de pouvoir. Le manque d'indépendance de la Justice, en France, ne provient que des pressions, lorsqu'elles existent, de l'exécutif sur le judiciaire.
Aux Etats-Unis, c'est différent. Dans le cas d'une Justice accusatoire, on a l'impression que l'innocence peut s'acheter. Ou presque.
Ces précisions soulignent tout ce que wikipedia ne dit pas, qui permettrait de comprendre un peu le contexte, au-delà des anecdotes.
Alithia
* L'Express lâche ceci concernant les amitiés et les relations de Sarkozy dans la police new-yorkaise. Les avocats de D. Strauss Kahn ont mis en cause la police new-yorkaise, comme étant à l'origine des fuites. Le Point pour sa part, révèle des communications entre le chef de la police new-yorkaise et le procureur de Paris, proche du président de la République, et ce dès le 16 mai.