Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Observatoire

  • : wikipedia ou le mythe de la neutralité
  • : observatoire de wikipedia qui se prétend une encyclopédie, sans spécialistes ni vérification d'experts, chacun peut écrire ce qu'il veut sous anonymat : une pseudo-encyclopédie où prospèrent la propagande et l'irrationnel. Blog de réflexion sur la culture
  • Contact

Qui Suis-Je ?

  • alithia
  • Professeur de philosophie, j'ai découvert que WP s'adresse à la jeunesse mais que ses résultats sont problématiques pour une supposée encyclopédie. Rédactions erronées, déformations, tendance à la propagande. Une mise en garde.
  • Professeur de philosophie, j'ai découvert que WP s'adresse à la jeunesse mais que ses résultats sont problématiques pour une supposée encyclopédie. Rédactions erronées, déformations, tendance à la propagande. Une mise en garde.

Moteur De Recherche

Archives

26 octobre 2007 5 26 /10 /octobre /2007 14:57
Dans la série  "ce que vous ne verrez jamais sur wikipedia"- parce qu'il s'agit de pensée, et de pensée pour le présent, qui l'éclaire- un texte de J-C Milner, philosophe et linguiste, Milner a vu dans Harry Potter, un texte très politique. A propos de Harry Potter  :  "Harry Potter est-il de gauche ? " (titre de Libé).


hawaii-marmeys-fatton-.jpgphoto Marmeys-Fatton l'Internaute


Harry Potter et les Reliques de la mort est sorti en France cette nuit à 0 h 01. C’est le septième et dernier tome de la série de J.K. Rowling. Les lecteurs vont enfin savoir qui meurt et qui ne meurt pas. Jean-Claude Milner, linguiste et philosophe, a lu la saga. Il nous explique en quoi elle est très politique.

 


Magie contre  Maggie


«Ce qu’il faut dire d’abord c’est que Harry Potter est profondément politique et qu’il parle de l’Angleterre d’aujourd’hui. En le lisant, on a le sentiment que J.K. Rowling considère, comme beaucoup d’Anglais cultivés, qu’il y a eu une vraie révolution thatchérienne, catastrophique, et que la seule possibilité désormais pour la culture est de survivre comme science occulte. Ce que dit J.K. Rowling c’est qu’à côté de la mondialisation il y a autre chose, la culture n’est pas impuissante. La vision que J.K. Rowling a de l’Angleterre est liée au “moment élisabéthain”, ce moment essentiel où la Renaissance européenne s’est manifestée dans le monde anglais. C’est l’époque où le système anglais prend sa forme définitive, l’époque, notamment, où les public schools et les universités d’Oxford et de Cambridge échappent à la mainmise de l’Eglise.

Or la Renaissance anglaise (comme l’a montré l’historienne Frances Yates) a lié ensemble les études classiques (le grec et le latin) et les sciences occultes (la magie blanche). Par ailleurs, cette époque est représentée par un personnage central, John Dee, qui était savant, alchimiste et philosophe et qui pensait que les sciences occultes devaient servir au bien public. Son influence est palpable dans les pièces de Shakespeare.


Si on prend Poudlard, l’école des sorciers fréquentée par Harry Potter, on voit bien qu’elle fonctionne sur le modèle des public schools, comme Eton. Quant au directeur, Albus Dumbledore, en latin son prénom signifie “blanc”, comme dans “magie blanche”. Et, dans Dumbledore, il y a deux d, une référence à John Dee. Dans le dispositif décrit par Frances Yates, ce qui est visible, ce sont les sciences classiques ; ce qui est caché, ce sont les sciences occultes. Dans le monde de Harry Potter, c’est le contraire. Ce qui est caché, ce sont les relations aux langues anciennes, comme le latin, mais aussi au français, très présent à Poudlard avec les Griffons d’Or, Voldemort, Malefoy…


On dit que J.K. Rowling a redonné le goût de la lecture aux enfants. C’est vrai, mais ce n’est pas tout. Elle a aussi rétabli les relations avec un latin paré de vertus séductrices, et avec le français, qui a une place très particulière dans l’Angleterre contemporaine. Les membres de la famille royale doivent apprendre le français, notamment parce qu’il est parlé dans les îles Anglo-Normandes, qui font partie du royaume. Et si les tabloïds anglais font si souvent du French bashing c’est qu’en Angleterre le français est traditionnellement lié à la fois au pouvoir de type féodal et à une culture élitiste. Ce n’est donc pas un hasard si Dumbledore est un ami de l’alchimiste français Nicolas Flamel et si le français est présent dans Harry Potter. Cela fait partie de la relation que les Britanniques cultivés, comme Rowling, ont avec le français.»

 


Les damnés de la terre contre les Moldus


«Dans Harry Potter, le mot moldu signifie “non sorcier”, mais pas seulement. L’oncle et la tante de Harry, des Moldus par excellence, vivent comme les héros du monde de Margaret Thatcher, dans un quartier propret où toutes les maisons se ressemblent. Or l’Angleterre contemporaine est le monde où les Moldus ont pris le pouvoir, avec Margaret Thatcher puis avec Tony Blair. Un monde où s’exprime toute la puissance de la middle class. Dans Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, il y a une tante, particulièrement détestable, à qui Harry jette un sort. Elle gonfle et s’élève dans les airs comme un ballon. On peut voir là une référence au Dictateur de Chaplin (et une figure de la toute-puissance de la middle class devenue folle), mais on ne peut s’empêcher de remarquer que la tante s’appelle Marge, une allusion évidente à Thatcher. Dans le film, d’ailleurs, elle porte le même genre de vêtements et a sur la tête le même casque de bouclettes.

Dans le monde décrit par J.K. Rowling, il y a donc les Moldus, qui représentent la middle class thatchéro-blairiste (qui va de la lower middle class à l’upper middle class), et puis les autres : le peuple, les gens cultivés et les aristocrates désargentés, autant de gens censés se retrouver dans les public schools ou à Cambridge.


De même qu’à Poudlard se retrouvent des enfants issus de familles où on a toujours été sorcier (comme le méchant “sang pur” Malefoy), et ceux qui, comme Hermione, deviennent sorciers par le savoir. Cette alliance de l’aristocratie et du peuple contre la toute-puissance de la middle class s’inscrit dans une longue tradition anglaise.


Les poètes Byron et Shelley ont écrit sur le sujet, Marx en a parlé dans le Manifeste, cette idée animait le groupe de Bloomsbury, dont faisait partie Virginia Woolf, mais aussi ceux qu’on a appelés les Cinq de Cambridge, les espions prosoviétiques des années 50. Il y a toujours eu en Angleterre un mouvement, plus ou moins issu des universités, opposé à l’économie libérale. Les étudiants sortis d’Oxford et Cambridge ont plus de points d’accord avec les damnés de la terre qu’avec la middle class.»



Le latin et le grec contre la mondialisation


«Si Harry Potter a un tel succès chez les adultes et pas seulement chez les enfants, c’est sans doute parce que les Anglo-Saxons et tous ceux qui sont touchés par la mondialisation y perçoivent – consciemment ou non – une machine de guerre contre les interprétations marchandes du système démocratique. "Tout le monde est égal dans la course au profit”, c’est ce que dit le modèle thatchérien. C’est aussi ce que dit le modèle américain. Et, dans ces modèles, tout ce qui pourrait représenter un rapport à la culture est une entrave dans la course au profit.


Chez J.K. Rowling, au contraire, il y a l’idée que le monde des Moldus est une somme de petites oppressions. Alors que, dans le monde de Poudlard, il y a certes des inégalités, mais, en même temps, comme la culture est ouverte à tous, Hermione, fille de Moldus, peut faire mieux que Malefoy, fils de sorciers. Ce qui peut apparaître comme élitiste est en fait une égalité réelle, par opposition à l’égalité non réelle du monde des Moldus. En cela, Harry Potter est une machine de guerre contre le monde thatchéro-blairiste et l’American way of life.


Contrairement à J.R.R. Tolkien qui, avec le Seigneur des anneaux, célèbre un “monde d’avant” et est donc réactionnaire, J.K. Rowling est, elle, une vraie libertaire animée d’une volonté de préservation. C’est comme si elle disait : “Apprenez le grec et le latin au lieu d’étudier le marketing. Vous pourrez ainsi peser sur le monde de manière inattendue.” Les vrais magiciens, ce ne sont pas les spins doctors [les conseillers en marketing politique, ndlr]

de Tony Blair, mais ceux qui savent le grec et le latin.»



Noblesse de cœur contre tyrannie


«Le sorcier Voldemort est au fil des livres une figure de plus en plus terrifiante, c’est le super-spin doctor. Il détient les secrets des sciences occultes, et en fait un instrument de pur pouvoir. Parce que, pour J.K. Rowling, la culture ne porte pas en elle-même la garantie contre son mauvais usage. Ce mauvais usage, c’est la passion qu’un sujet éprouve à opprimer d’autres sujets, et c’est la seule passion qui conduit à la déshumanisation de celui qui en est habité. Dans Harry Potter, Voldemort est le plus grand des méchants parce qu’il est le plus grand des sorciers. Il est habité par la passion de peser sur les sujets, la pire passion possible. Et c’est là que réside la seule inégalité contre laquelle il n’y a rien à faire : l’inégalité en noblesse d’âme, en générosité. Harry en est doté, pas Malefoy.

Dans cette histoire, on a donc d’un côté le monde des Moldus, où l’oppression c’est le pouvoir sur les choses ; de l’autre, le monde de Poudlard, où le savoir peut permettre de résister à la chosification du monde des Moldus, mais ouvre aussi la possibilité d’un pouvoir sur les sujets. Ce pouvoir redoutable, que recherche Voldemort et qu’on peut appeler tyrannie, est un des thèmes de Harry Potter, c’est un des thèmes récurrents dans la littérature anglaise depuis Dickens et Orwell.»

 

 

Analyse extrêmement fine et savante, rappelant les nécessités de la clandestinité , comme la voie obligée que doit parfois emprunter la culture dans l'histoire. Selon les circonstances.

Milner rappelle ce trait d'une histoire britannique, passablement oublié ou ignoré en France, qu'il met à la racine de ce que signifie Harry Potter aujourd'hui, en un parallèle qui nous renvoie cette question : la culture, pour persister, doit-elle aujourd'hui emrpunter les voies de la clandestinité, seule forme de résistance possible ? Et lorsqu'il explique le succès de Harry Potter par le message  d'une résistance grâce à la culture, où l'aristocratie de l'esprit rencontre le peuple dans un même mouvement de refus, il donne là l'explication la plus forte et la plus roborative qui soit : le message de résistance et de contournement des effets destructeurs du capitalisme à l'américaine, délivré par la saga de Harry Potter a été entendu. Son succès l'indique.  Parents et enfants aiment ce que dit Harry Potter, à savoir qu'il y a moyen de ne pas lâcher prise, ni céder sur ce qu'il y a de plus précieux dans la vie, contre et malgré la logique du profit qui mène le peuple à la misère.

La résistance au système capitaliste mondial façon actuelle, c'est à dire selon les modèles des Etats-Unis sous Bush et de la politique de Thatcher, avec la complicité de la veulerie médiante, cette résistance de l'élite intellectuelle rencontre celle du peuple. Et elle passe par la culture.

On a raison de résister, affirme Milner, comme le montre Harry Potter, grâce à la culture. Et cette résistance, d'une élite à l'origine,  rencontre un très large écho populaire, dont témoignent Harry Potter et l'accueil qui lui a été réservé.

Bien sûr, cela est tellement aux antipodes de wkipedia qu'il ne faut pas s'attendre à ce que les wikipediens apprécient ni même comprennent l'analyse, qui n'est pas faite pour eux.

En revanche un certain nombre de media ont perçu l'intérêt de ce texte, dont celui-ci, parmi d'autres .

Mais si Milner a raison, la jeunesse d'aujourd'hui qui se jette sur Harry Potter, a quelque chance de ne pas être complètement abrutie malgré les systèmes d'abrutissement auxquels elle est soumise, et par lesquels elle est bombardée (publicité afin d'en faire des consommateurs dociles ; bêtises, erreurs, fanatisme, théories du complot et négationnisme et toutes les occurrences de haine qui fleurissent sur internet, plus la littérature irrationnelle révisant l'histoire et enseignant la docilité face à la falsification, du type Paolo Choelo et autres Da Vinci Code, auxquelles wikipedia apporte sa petite pierre, nolens volens).




Alithia
Partager cet article
Repost0

commentaires

J
Très chère Soizic, vous me lisez comme ça vous arrange. J'ai rappelé que les bistros avaient leurs heures de gloire, et j'ai bien signalé que je n'établissais pas de comparaison.Sur le fait que Wikipédia est une encyclopédie "meilleure que toute les autres", personne n'a jamais dit ça à ma connaissance. Vous vous indignez à peu de frais.
Répondre
S
N'y a -t-il pas une drôle d'arrogance à se prétendre encyclopédistes et capable de rédiger une encyclopédie, meilleure que toutes les autres au prétexte qu'elle est gratuite, et se comparer à Diderot sous prétexte qu'il fréquentait un café (et ignorer le rôle des cafés à cette époque) ? Quelle grandiose manière de se moquer du monde, vraiment.
Répondre
F
Non pas du tout. Les nouvelles recrues qui sont autant de types ignares et arrogants, on les retrouve 6 mois plus tard promus administrateurs.
Répondre
J
Je trouve la plupart des Wikipédiens assez humbles vis à vis du savoir. Ils sont arrogants sur la typographie, la concordance des temps, la mise en page, l'attitude,... Mais pour moi, ce sont les nouvelles recrues qui débarquent en expliquant qu'elles savent tout et qu'elles vont tout expliquer... Ensuite, ça se calme. Et ceux qui ne se calment pas finissent par quitter le navire, comme Alithia apparemment.
Répondre
E
Il me semble que le pire est de se croire savant quand on est ignorant, ce qui me parait le cas des wikipédiens, (je ne parle pas de vous en particulier).
Répondre