Par delà wikipedia, c'est le retour du recours à l'auteur, individualisé, identifiable et expert.
A l'encontre de ces croyances fondatrices de wikipedia, Google réintroduit la notion d'auteur, identifiable, pouvant exciper de ses qualités et références professionnelles, responsable de ses écrits. En tant que tel, l'auteur retrouve la possibilité d'une écriture et d'une pensée, par la liberté qui lui est reconnue de proposer analyses et interprétations, assumées par lui, pour les sujets dont il s'occupe. Et contrairement à wikipedia qui exclut ces possibilités par son "collectivisme de la connaissance".
Google annonce que son projet "permettrait de valoriser le travail des auteurs et le savoir qu’ils produisent".
Il s'agit d'abord de favoriser l'exposé des véritables connaissances plutôt que des opinions variées et variables, en laissant les meilleurs connaisseurs d'un sujet l'exposer, plutôt que le tout-venant aux compétences la plupart du temps très insuffisantes, comme cela se passe sur wikipedia .
L’idée est ” d’encourager les gens qui ont de vraies connaissances sur un sujet à écrire un article sur celui-ci” selon le projet de Google qui entend ainsi rechercher et favoriser la des articles, plutôt que la quantité, à la différence de wikipedia et de ses centaines de milliers d'articles annoncés par elle comme son plus fort argument qui plaiderait en sa faveur.
Google laisse la responsabilité entière aux auteurs. Il ne sera pas lui-même pas éditeur : ce qui signifie une politique éditoriale ouverte, laissant aux auteurs le libre choix des sujets et donc une absence de censure, à la différence de wikipedia encore.
Outre la responsabilité du signataire, Google compte sur la mise en concurrence des auteurs pour assurer la qualité des articles. Ceux-ci, par ailleurs, pourront être notés par les lecteurs, pour donner un indice de popularité. Mais les lecteurs n'auront pas la possibilité de transformer les articles. C'est à dire que l'auteur reste juge de la pertinence et de l'exactitude de ses écrits et ne se fait pas corriger par le premier venu. Le travail des auteurs a donc bel et bien statut d'oeuvre de pensée. Les oeuvres ne sont pas exposées à être détruites par le grand nombre. Et les articles peuvent exposer des thèses et des lectures diverses, une pensée par conséquent, comme c'est le cas dans nombre de disciplines dont les exposés exigent une dimension réflexive.
Google mise clairement sur le fait que des auteurs étant suffisamment qualifiés, ils imposeront de ce fait, ensemble, une norme des exigences requises, comme il en va dans la communauté intellectuelle.
"il y a aura sûrement de la compétition sur certains sujets et c’est une bonne chose" selon Google.
Traduisons : une pluralité d'article sur un même sujet est possible, car une pluralité de lectures et d'interprétations peut exister. Mais, à la différence de wikipedia, l'encyclopédie Google ne prétend pas rédiger des articles par collages de points de vue divers (sur le mode si énervant, irresponsable et peu sérieux de wikipedia qui aboutit à "une minute pour Hitler, une minute pour les juifs").
Ce projet nommé "Knol", renoue, d'une certaine manière, avec la conception d'une encyclopédie en ligne écrite par des universitaires et experts, qui était celle de Larry Sanger, fondateur de wikipedia avec J.Wales, à l'origine. Ceci avant que wikipedia avec son extension faramineuse, ne dérive vers tous les défauts signalés ici, du fait de la fuite des universitaires et de la prise en main par une toute petite clique d'incompétents aux idées partisanes.
Bref, par là Google espère dépasser tous les défauts de wikipedia qui la rendent rédhibitoire comme instrument de travail, aux yeux de tous les professeurs, de l'école primaire à l'université.
Ainsi Google entérine le manque de sérieux et de fiabilité de wikipedia, dû à l'absence d'auteurs responsables et experts. Critiques que le même Larry Sanger avait énoncées, il y a dejà quelque temps, lorsqu'il formula la double incapacité de wikipedia du fait de ses principes mêmes. Soit incapacité à jamais devenir une encyclopédie et incapacité à se réformer par le fait de ce mode d'écriture qui, par définition exclut les experts et la notion d'auteur.
Donc après Sanger, on peut dire que le projet Google entérine cet état de fait que j'ai décrit et analysé ici.
De plus Google espère attirer les auteurs, non seulement par la possibilité qui leur est donnée de publier sous son nom, mais également par des rémunérations.
Voici l'information donnée par Le Figaro sous le titre " Google va-t-il tuer Wikipedia ?" :
" Google veut rendre leur part de gloire aux encyclopédistes en ligne. Le moteur de recherche leader du net vient en effet de lever le voile sur un projet baptisé « Knol ». Soit la moitié de « Knowledge », la connaissance en anglais. Cet outil gratuit servira, selon la firme de Moutain View à « aider les gens à partager leurs connaissances ». Un objectif qui rappelle celui de Wikipedia, la plus grosse encyclopédie en ligne.
Mais les premiers détails révélés par Google laissent apparaître des différences notables. Là où Wikipedia met en avant la communauté et son « intelligence collective », Knol veut mettre en valeur les compétences personnelles d’auteurs clairement identifiés. En clair, un internaute peut librement s’inscrire, créer un « knol » sur le sujet de son choix, et écrire ce qu’il souhaite sur ce thème en en assumant la responsabilité.
Les internautes de passage sur le knol pourront commenter librement l’article et le noter. Mais, a priori, ils ne pourront pas en modifier le texte, contrairement à Wikipedia [...]. L’auteur du knol pourra (ou non) prendre en considération les remarques de ses lecteurs. Il pourra également affirmer ses opinions haut et fort, là où Wikipedia a une ambition d’objectivité régulée par la multitude."
sources : voir annonce de Google sur son blog et source Figaro
Des questions sur le devenir de ce projet viennent aussitôt à l'esprit.
* Les auteurs voudront-ils se livrer à ce travail et à cette expérience ? Il y a fort à parier que la réponse sera positive.
* Et le public appréciera-t-il une encyclopédie plus fiable et mieux rédigée ?
Des études ont montré, à propos de la télévision, que le public est quasiment unanime à juger la supériorité de Arte sur TF1, mais regarde néanmoins majoritairement cette dernière. Savoir faire la différence de qualité est une chose. Avoir envie d'une plus grande qualité et la préférer à la facilité en est une autre.
Cela dit, si le lecteur cherche non une distraction, mais une encyclopédie, l'exigence de qualité et de fiabilité est une possibilité bien réelle, voire fort probable.
Là aussi, on peut penser que le pari tient la route. A suivre donc.
D'autres questions encore :
* évidemment on s'interrogera sur l'extension de Google au domaine de l'encyclopédie et à ses conséquences. Trop tôt pour le dire.
* mais on n'oubliera pas non plus qu'il s'agit là d'un combat entre les deux géants du net, se réclamant d'abord de la même idéologie philanthropique pour étendre tous deux en parallèle et de manière d'abord solidaire, leur réseau sur le monde : si les moyens sont différents, l'objectif est le même.
[comme étudié précédemment Google-wikipedia]
* et un gros problème :
Wikipedia s'est tellement accrue qu'elle a aujourd'hui acquis, pour le domaine des encyclopédies une position de monopole et d'abus de position : sur le net elle est la seule, elle est partout.
Parenthèse : qu'on ne nous raconte pas que wikipedia participe du "libre" et lutte contre les monopole : elle en est un.
Wikipedia est arrivée au sommet de Google, où elle a fini par se retrouver en 1° place pour tous les sujets, avec la complicité de ce dernier. Google laissait faire wikipedia qui gagnait ainsi ses galons en usant de moyens interdits par Google : la pratique de la multiplication des liens internes, sur wikipedia, où presque chaque mot est un lien, est interdite par Google, car cela accroît artificiellement les performances au classement qui attribue le rang (pagerank). Mais pour wikipedia celui-ci a laissé faire, donc, dans un premier temps Google a fabriqué wikipedia.
[nous en avons déjà parlé : comment Google favorise wikipedia ; voir également cet article]
Forte de son succès, wikipedia a voulu doubler Google : Wales a annoncé qu'il travaillait à la fabrication d'un moteur de recherche susceptible de remplacer Google... [voir sur le blog wikipedia peut-elle absorber Google ?] Et il a également installé un système, grâce aux barres d'outils des navigateurs qui mènent directement à wikipedia et qui lui permettent de court-circuiter Google. Ce qui a fini par briser l'association en contrariant les ambitions de Google.
La réponse de Google se trouve aujourd'hui dans son projet d'encyclopédie concurrente de wikipedia. Fin d'une entente.
Alithia