Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Observatoire

  • : wikipedia ou le mythe de la neutralité
  • : observatoire de wikipedia qui se prétend une encyclopédie, sans spécialistes ni vérification d'experts, chacun peut écrire ce qu'il veut sous anonymat : une pseudo-encyclopédie où prospèrent la propagande et l'irrationnel. Blog de réflexion sur la culture
  • Contact

Qui Suis-Je ?

  • alithia
  • Professeur de philosophie, j'ai découvert que WP s'adresse à la jeunesse mais que ses résultats sont problématiques pour une supposée encyclopédie. Rédactions erronées, déformations, tendance à la propagande. Une mise en garde.
  • Professeur de philosophie, j'ai découvert que WP s'adresse à la jeunesse mais que ses résultats sont problématiques pour une supposée encyclopédie. Rédactions erronées, déformations, tendance à la propagande. Une mise en garde.

Moteur De Recherche

Archives

19 mars 2008 3 19 /03 /mars /2008 13:03
Un professeur  s'alarme de la menace qui pèse sur les études de Lettres et sciences humaines, mises en danger par la politique de Sarkozy.  Ce dont wikipedia par son esprit relativiste, people, anti-universitaire et anti-intellectuel, est également un symptôme ajouterai-je à cette analyse.

Dans Libération
18 mars 2008 :


Université, un mauvais rêve
 
Claudio Galderisi professeur des universités, directeur du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale.
 

 

«Monsieur le présidant, je sui un professeur d’université qui avait appréciées certaines reformes excessivement nécessaires que vous aviez exposé dans votre campagne éléctorale, comme celle de l’université. Je fais parti aujourd’hui de ceux qui sont dessus par l’ultime réforme de la formation universitaire durable (FUD), et qui avait espéré comme temps d’autres collègues que cette lois pouvait être l’occasion pour réintroduire en Licence une autoévaluation par des étudiants, ou au moins une autoréorientation permanente sur base facultative.»


Dans quelques décennies, Monsieur le président de la République, pareil galimatias pourrait être adressé à votre successeur par un enseignant-chercheur ayant suivi les cours de licence des facultés humanistes. J’ai hésité entre la missive ouverte et son pastiche, plus criant que tous les arguments que je voudrais soumettre à votre attention. Plus encore, je me suis interrogé sur l’opportunité d’une telle lettre. Me retenait une conviction que je partage avec beaucoup de collègues : la mission de l’universitaire consiste à transmettre une connaissance qui est aussi un art. Le seul discours efficace de l’universitaire est celui, fondé sur une éthique des fondamentaux, qui concerne aussi bien l’étudiant que l’enseignant : «Bien étudier pour bien apprendre».

Ce qui m’a convaincu n’est pas la dernière loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, même si elle semble nier des libertés fondamentales du monde universitaire, qui ont présidé à sa gestation et à sa formation : la mobilité des maîtres et des bacheliers, la collégialité, la compétence comme critère d’évaluation scientifique. Au nom de l’efficacité, cette loi pourrait servir à justifier tous les abus, au prétexte qu’une mauvaise gestion serait sanctionnée par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) et finalement par la concurrence universitaire. Elle pourrait également être à l’origine d’une inégalité des chances sur la base géographique, préparant par ricochet une régionalisation des universités, que même le Moyen Age des féodalismes n’avait osé imaginer. Surtout, elle n’est pas opérationnelle dans le domaine des sciences humaines. Des concepts tels que «concurrence universitaire» ou «marché de la recherche» n’ont pas cours dans les disciplines humanistes, où la qualité du recrutement est une condition bien plus importante que l’ouverture au monde de l’entreprise.
 


Mais il s’agit désormais d’une loi de la République ; il faut donc la respecter. Là n’est toutefois pas l’essentiel. Ce qui aujourd’hui nous intéresse et nous inquiète est la prochaine loi sur les contenus des formations universitaires. Cette loi est nécessaire. Un certain nombre d’universitaires feignent, en effet, de ne pas voir l’état critique dans lequel versent en particulier les filières humanistes. Ils oublient de reconnaître que les universitaires ne sont pas seulement les victimes de cette dérive, mais qu’ils en ont été souvent les responsables. Ils ferment les yeux sur une assimilation conceptuelle entre les sciences humaines et les disciplines scientifiques qui s’avère aujourd’hui suicidaire.

 


Les sciences humaines étaient autrefois des arts, ceux du trivium. Des arts qui sont à l’origine de l’enseignement universitaire européen. Mais les lettres et l’histoire ont aussi une autre mission, qui ne peut être sacrifiée sur l’autel de la préprofessionnalisation. Si la future réforme de la licence gommait cette spécificité, transformant nos formations académiques en IUT ; si elle faisait de la préprofessionnalisation le seul horizon de ces filières, l’erreur serait sans doute irréparable. On obtiendrait ainsi dans quelques années des chômeurs potentiels et de nouveaux illettrés. Et puisque les postes dans la fonction publique seront en diminution constante, la perspective traditionnelle de ces disciplines, l’enseignement secondaire, apparaîtra de moins en moins comme une issue attrayante. Il suffit pour s’en rendre compte d’observer la réalité : les facultés humanistes qui ont multiplié les formations préprofessionnalisantes, qui ont supprimé de fait la sélection tout en introduisant des cours destinés à séduire les étudiants, n’ont pas enrayé la baisse progressive des effectifs. En revanche, les universités qui ont su garder leur profil classique, qui pratiquent une sélection discrète, constatent une augmentation de leurs inscrits. Le taux d’échec est aussi en creux un taux de qualité : ce ne sont pas des universitaires «réactionnaires» qui le prétendent, mais les étudiants qui plébiscitent massivement ces facultés.

 


Pourtant, dans la lettre de mission confiée par la ministre de tutelle à François d’Aubert, les recettes évoquées constituent pour beaucoup d’universitaires des impasses : plus d’informatique, plus de tutorat, plus d’heures de cours. Vaste programme pour une école primaire. L’augmentation des heures de cours en licence signifie en réalité moins de temps consacré à la lecture individuelle, la forme de tutorat la plus ancienne et la plus fiable. Tous ces plus impliquent enfin un moins : moins d’heures pour les matières fondamentales. Pourtant, c’est cette formation que réclament les chefs d’entreprise ; c’est cette culture qui faisait dire à l’ancien directeur de la London School of Economics, sir Ralph Dahrendorf, qu’un licencié ès lettres, lorsqu’il est bien formé, peut être un excellent décideur. Chaque fois que l’on renonce aux exigences du savoir universitaire, qu’on vulgarise les sciences humaines, ce n’est pas la culture qui avance mais l’ignorance qui se diffuse. Enseigner la grammaire ou les rudiments de l’histoire en licence ne réduit pas l’échec scolaire et prépare après l’acculturation de masse la «désacculturation d’Etat».

 


Les médiévaux avaient le goût de la parabole. Vous me pardonnerez, si j’y recours également. On peut lire dans un recueil de nouvelles, le Novellino, l’apologue suivant : «Il était une fois un philosophe qui était fort libéral à vulgariser la science […]. Une nuit, il eut une vision : les déesses de la science, sous les apparences de belles femmes, se trouvaient dans un bordel. Alors, lui, voyant cela, s’étonna grandement et dit : "Qu’est-ce là ? N’êtes-vous point les déesses de la science ?" Et elles répondirent : "Si fait ! - Comment est-il possible que vous soyez au bordel ?" Elles lui répondirent : "Nous y sommes bien, et c’est toi qui nous y as mis." Il se réveilla et s’avisa que vulgariser la science était amoindrir son essence divine. Il cessa de le faire […]. Or sachez que toutes choses ne sont point permises à tout le monde.»

 


En vous adressant cette lettre ouverte, je n’oublie pas que ce mauvais rêve, c’est en partie nous, universitaires, qui l’avons formé, en voulant métamorphoser d’abord un art en science, puis, impuissants à maîtriser un tel hybride, en vulgarisant toujours plus pour survivre. Vous avez le pouvoir, Monsieur le Président, de réveiller l’université française et les filières humanistes d’un cauchemar qui coûterait cher à la France, et à travers elle à l’Europe tout entière. Car toutes choses ne sont point permises à tout le monde.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires